Quelques clés pour garder l'église simple
Vous vous rappelez de Hue et Vanessa ? Hue est pasteur à Chicago, père de trois enfants et manager à plein temps. Dans ce contexte, à quoi ressemblent leur église et leur leadership ? Parlons-en !
Hue, l'église que tu diriges avec ta femme Vanessa s'appelle “Restoration”. Peux-tu nous dire pourquoi exactement ?
Lorsque nous avons senti que Dieu nous appelait à implanter une église, nous avons prié pour trouver le nom de l'église. Et pendant que je priais, le nom "Restauration" ne cessait de revenir dans mes pensées. Vous savez, j'ai été sauvé un peu tard dans ma vie, j'avais 33 ans. Et j'ai senti que Dieu m'avait appelé parce qu'il m'avait restauré. Et suite à cette saison de restauration, il m'appelle maintenant à sortir, à partager cette restauration à d'autres. Le nom, basé aussi sur le Psaume 126, m'a semblé très simple. Pour être honnête avec vous, il y avait déjà beaucoup d'Églises au nom de “Restauration” aux États-Unis, mais c'est ainsi que Dieu nous a appelé, de manière spécifique, unique, et j'ai décidé de m'en tenir à cela, au lieu d'essayer de trouver quelque chose d'original.
En parlant de simplicité, nous nous sommes rencontrés il y a quelques semaines et vous nous avez dit que votre église grandissait grâce à Dieu. Et quand une église grandit, il y a beaucoup de besoins et peut-être des tentations de créer de nouveaux programmes, de nouveaux départements, des réunions spéciales ou des événements pour des publics particuliers. Comment faire pour que l'église reste simple lorsqu'elle grandit ?
Tout d'abord, nous avons senti que pour cette saison, nous voulions mettre l'accent sur Jésus. C'est notre priorité. Et tous les programmes que nous mettons en place doivent correspondre à notre vision, qui est de glorifier Jésus en tout et partout. Deuxièmement, lorsque des personnes de l’église viennent nous voir avec une suggestion ou une idée de programme, nous essayons de les encourager. S'il s'agit de quelque chose que Dieu a mis sur leur cœur et qu'ils ont une vision pour cela, nous les invitons à prendre en main ce projet. Et nous leur faisons savoir que nous les soutenons. Avec Vanessa, nous ne nous sentons pas obligés de lancer un programme nous-mêmes. Je pense que c'est un bon moyen pour nous d'aider les gens à comprendre qu'il s'agit d'un corps, d'une famille, et que nous voulons tous nous impliquer. Je pense que beaucoup de gens dans notre église ont cet état d'esprit parce que je suis “bivocationnel” (mon ministère ET mon travail à temps plein) et tout le monde le sait, ils savent que je n'ai pas beaucoup de temps et que j’ai beaucoup de choses à faire.
As-tu des exemples ?
Bien sûr ! Dieu a appelé certaines personnes de notre église à faire une marche de prière. Elles ont donc pris l'initiative et ont mobilisé d’autres membres. Je les ai invitées à présenter à l’église les raisons pour lesquelles nous pourrions faire une marche de prière, aller dans la rue et dire aux passants “Hey, nous voulons prier pour vous”, les aider à comprendre que nous pouvons entendre Dieu et encourager des inconnus dans la rue de façon prophétique.
Une autre personne avait vraiment envie de se réunir avec toutes les mamans qui ont de jeunes enfants. Elle a donc pris ça en main et je lui ai dit : " Tu sais, quand l'église est disponible, tu peux l'utiliser ". Ainsi, le jeudi matin à 9 heures, les mères de jeunes enfants qui le souhaitent peuvent se réunir, passer du temps ensemble. Voilà donc quelques exemples d'activités organisées au sein de l'église. Au fur et à mesure que l'église grandit, c'est un bon moyen pour nous d'aider à former des responsables parce que, ce faisant, je peux parler à ces personnes des choses nécessaires : comment planifier, comment administrer, comment garder à l'esprit les besoins des gens… Mais en même temps, je dois m'assurer que nous continuons de diriger conformément à notre vision, car nous ne voulons pas dépenser notre énergie à aller dans tous les sens, il y a déjà tellement d'églises ici. Nous voulons rester fidèles à ce que Dieu nous a demandé de faire et être en accord avec cela.
Comme nous l'avons déjà dit dans le premier article, tu as un travail à plein temps, trois enfants et tu es pasteur. Comment fais-tu pour t’occuper des gens, trouver du temps pour les rendez-vous pastoraux ?
Je ne parlerais que de mon contexte et de ma situation. Nous avons tous besoin de prier pour nous assurer que nous sommes dans la vocation que Dieu a pour nous. Pour être honnête avec vous, j'ai envisagé de changer de métier il y a très longtemps, quand j'étais jeune, parce que mon métier d'assureur était tellement ennuyeux ! Cependant, avec le recul, je suis très heureux d'être resté là parce que je sentais que ce n'était pas le moment pour moi de changer et que je ne devais pas le faire, et je savais que Dieu avait prévu quelque chose. Je sais maintenant pourquoi, parce que cela me donne la flexibilité d’implanter, de diriger une église, de rencontrer différentes personnes à différents moments. Je peux rencontrer des hommes d'affaires à l'heure du déjeuner ou avant le début de leur travail. Par exemple, je viens d'avoir un temps de prière à 7h30 ce matin. En ce qui concerne les responsables, nous essayons de les rencontrer et de trouver un moment qui convienne à tout le monde. Par exemple, nous avons généralement notre réunion des anciens le dimanche après l'église, parce que c'est le moment où tout le monde est déjà sur place. Je ne veux pas le faire le samedi parce que c'est un moment familial et ce temps là est très, très important. Nous voulons être sûrs de ne pas empiéter sur ce temps.
Surtout lorsque vous et la plupart de vos responsables vivez dans une grande ville très active comme Chicago !
Oui, il est très difficile de trouver du temps et tout le monde est très, très occupé ! Nous comprenons cela et nous voulons trouver un moyen de travailler dans le contexte qui est le nôtre, en particulier avec les personnes qui ont des enfants, parce que nous voulons qu'elles donnent la priorité à la famille, au temps passé avec leurs enfants. C'est important : votre famille est votre équipe n°1, votre premier cercle. Et si nous ne dirigeons pas cette équipe, il est difficile de diriger quoi que ce soit ou qui que ce soit. J'essaie d'encourager notre équipe à bien diriger nos familles. Et à partir de là, Dieu nous donnera le temps, l'espace et l'autorité nécessaires pour diriger d'autres personnes. Mais aussi, parfois, je mets les gens au défi d'être un peu plus disciplinés dans leur emploi du temps. Tout le monde n'a pas besoin de rester debout jusqu'à deux heures du matin, pour ensuite ne pas réussir à se lever à six heures du matin pour prendre un café. Je ne sais pas si le terme "défi" est approprié, mais nous pouvons tous être encouragés à être plus disciplinés et mieux organisés dans notre vie, afin d’augmenter nos capacités et d'être en mesure de faire plus pour Dieu.
Dans ce contexte de grande ville et de vie trépidante, comment parvenez-vous à faire des disciples ?
Pour nous, la première chose à faire est d'établir des relations. Nous devons donc établir des relations avec de nouvelles personnes et pour cela, nous avons besoin de temps. Il n'y a pas d'autre solution. Nous devons donc prendre le temps et j'encourage tous nos responsables à rencontrer quelqu'un, une fois par semaine par exemple, qu'il s'agisse d'un simple café ou d'un appel pour prendre des nouvelles, d'un texto ou d'une rencontre pour une promenade ou un thé quelque part. Vanessa et moi ne pouvons évidemment pas rencontrer tout le monde, mais nous voulons mettre l'accent sur nos responsables et rencontrer ceux que Dieu a ajoutés à l'Église, que nous voulons élever pour qu'ils deviennent à leur tour des responsables. Et nous demandons à nos responsables de faire de même avec les autres.
Nous devons faire preuve de sagesse et de discernement entre ceux qui ont besoin de notre temps et ceux qui veulent juste notre temps.
En tant que pasteur, est-il difficile de donner la priorité à certaines personnes plutôt qu'à d'autres ?
Je ne devrais probablement pas dire cela en tant que pasteur, mais comme nous n'avons pas assez de temps pour rencontrer tout le monde, nous devons faire preuve de sagesse et de discernement entre ceux qui ont besoin de notre temps et ceux qui veulent juste notre temps. Il y a toujours des gens qui veulent juste notre temps et qui ne grandissent pas vraiment ou ne veulent pas grandir, ils veulent juste parler. La formation de disciples est très importante et elle ne peut se faire qu'à travers les relations, car nous nous dupliquons en quelque sorte. C'est ça, la formation de disciples ! Et la seule façon pour quelqu'un de comprendre et d'être élevé en tant que leader est de voir comment vous vivez, d'apprendre à vous connaître, d'avoir une relation avec vous et d'apprendre des choses que vous vivez.
Toujours dans votre contexte urbain/occupé, est-il difficile d'impliquer les gens dans l'église ? Je veux dire que certains d'entre eux peuvent être des parents occupés avec des enfants en bas âge, ou au sommet de leur carrière... Êtes-vous parfois frustré parce qu'il y a un manque de personnes impliquées ?
Je pense que tout le monde devrait s'impliquer dans l'église, mais tout le monde n'a pas besoin de s'impliquer de la même manière. Il y a des gens qui ont de grandes capacités, mais nous reconnaissons que pour certains, Dieu les a appelés dans un domaine spécifique. Si certaines personnes ont été appelées à créer leur propre entreprise ou à devenir propriétaire d'un commerce, elles auront besoin de beaucoup de temps pour cela. Nous n'attendons pas d'elles qu'elles soient à l'église pendant cinq heures avant de s'impliquer dans toutes sortes de choses. Il y a des capacités différentes et des saisons différentes, nous le prenons en compte. Ce que nous encourageons avant tout, c'est de construire une relation avec Jésus, de grandir dans la révélation de Jésus.
Autre chose : si quelqu'un est un leader dans une profession ou dans un domaine, cela ne signifie pas qu'il doive devenir un leader dans l'Église. Par exemple, si quelqu'un est cadre dans une grande entreprise, nous n'attendons pas de lui qu'il soit également ancien dans une église. Nous encourageons les responsables d'église à développer leurs capacités, tout en considérant la saison où les anciens ne peuvent pas faire grand-chose. De même, lorsque vous avez un nouvel enfant, lorsque vous traversez une période difficile de changement d'emploi ou lorsque vous traversez un cycle de vie chargé, nous le comprenons et nous ne voulons pas que l'Église soit une source de stress supplémentaire. Elle doit être un lieu où l'on vient se ressourcer et se projeter. Mais il faut veiller à ce qu’il ne s’agisse que d'une saison. Vous savez, nous avons tous besoin d'une saison de rafraîchissement, nous avons tous besoin d'une saison d'encouragement. Mais si nous nous contentons de nous présenter sans vraiment servir ou faire quoi que ce soit, alors cela devient un style de vie. Et ce n'est pas ce que disent les Écritures.
Servir ou diriger dans l'église, après une semaine très chargée, peut aussi être un défi. Comment parvenez-vous à trouver un bon équilibre et à éviter le surmenage ?
Nous voulons nous assurer que tout ce que nous faisons fonctionne à long terme. Il ne s'agit pas d'une activité de courte durée, que nous allons mener pendant un an ou deux et qui risque d'épuiser les gens. Nous voulons nous assurer que les gens peuvent en faire un mode de vie. Certains "courent" un peu plus vite. D'autres pourraient courir un peu plus longtemps, d’autres encore plus lentement, certains ont besoin de plus de pauses, d'autres de moins de pauses. Nous devons donc être conscients des différences entre les personnes, tout comme chacun a des dons et des capacités différentes, et nous devons faire preuve de discernement et de sagesse à cet égard.
Par ailleurs, je travaille avec Vanessa. Je ne suis pas seul. Nous avons la même vision de la direction et elle fait beaucoup de choses. Par exemple, si Vanessa écrit un email à quelqu'un ou aux dirigeants, c'est comme si c'était moi qui l'envoyais. Nous sommes alignés et nous travaillons ensemble en tant qu'équipe, et les gens de l'Église le savent. Elle a la même autorité.
Pensez-vous que le fait d'avoir un emploi à temps plein, même s'il est flexible, à côté du leadership de votre pasteur, change la culture de l'église et peut-être les attentes des chrétiens ?
Oui, je pense que cela m'aide à comprendre les exigences du monde du travail parce qu'il est facile de donner la priorité à l'église. Je ne veux pas que ce que je fais et ce qui me passionne exerce une pression sur les autres. Et ce n'est pas parce que je suis capable de m'organiser et d'être flexible que je dois avoir les mêmes attentes à l'égard de tous les autres et en particulier de l'équipe de leaders que je dirige. Cela nous a donc aidé à avoir un mode de vie très équilibré et nous voulons avoir un mode de vie sain parce que nous pensons à long terme. Il ne s'agit pas d'un plan sur cinq ans et après cela, nous allons abandonner, prendre du recul et ne rien faire.
Non, c'est ce que Dieu nous a appelés à faire, alors nous allons le faire sur le long terme, nous devons trouver le bon équilibre pour courir la course. C'est pourquoi nous devons faire preuve de sagesse en ce qui concerne notre famille et nos enfants. Vous savez, il y a des fois où nous reportons intentionnellement des réunions ou des dîners avec d'autres personnes, ou bien nous annulons à la dernière minute parce que nous pensons que nous avons besoin de passer du temps avec notre famille ou avec nos enfants. C'est une priorité. Le Royaume de Dieu est une priorité avant tout. Mais cela ne veut pas dire que c'est aux dépens de tout le reste.
Que voulez-vous dire par là ?
Je veux dire que cela a un coût, mais nous ne voulons pas que nos enfants paient ce coût. Nous ne voulons pas qu'ils grandissent avec l'idée que leurs parents s'occupent toujours de l'église et pas d'eux, parce qu'ils sont très importants pour nous. Et nous voulons être sûrs qu'ils savent qu'ils sont très importants pour nous. Et la seule façon de le leur faire savoir est de passer du temps avec eux et de faire les choses qu'ils veulent faire. En ce qui concerne le travail et la vie privée, je reconnais que c'est une saison où nous devons faire les deux. Je dois donc être capable de trouver le temps de faire les deux et de les équilibrer. Je sais que tout le monde n'a pas le luxe d'être dans ma position. Il y a des gens qui ont des emplois très exigeants et très prenants, ce qui peut être très stressant. Je ne veux pas que mes dirigeants et mes collaborateurs aient l'impression que je ne suis pas disponible, que je ne suis pas capable de me concentrer après une longue journée de travail, une longue journée de transport, une journée stressante, parce que nous voulons donner le meilleur de nous-mêmes dans ce que nous faisons pour Dieu. Et nous ne pouvons pas le faire si nous sommes épuisés par ce qui vient de se passer aujourd'hui. C'est bon, vous savez, si nous ne nous rencontrons pas aujourd'hui, nous pourrons nous rencontrer demain.
Vous avez dit qu'il y avait un coût, mais aussi des priorités. Comment maintenir l'équilibre entre le coût, le sacrifice et les priorités ?
Oh, j'aimerais qu'il y ait une réponse facile à cette question ! Lorsque vous faites des choses pour son Royaume, il y a un coût et un privilège. Nous avons parlé à nos enfants de l'importance de servir. Nous avons parlé à notre famille du privilège de faire ce que Dieu nous a appelés à faire, en termes d'impact sur les gens, de direction des gens, d'aide aux gens, d'orientation des gens vers Jésus, d'aide aux gens pour qu'ils répondent à l'appel que Dieu a pour eux. Ils savent que nous ne sommes pas des gens qui s'assoient et ne font rien, ou qui les laissent s'asseoir devant leur jeu vidéo, cinq heures par jour. Mais comment trouver le bon équilibre ? Lorsque je m'aperçois que je suis facilement agité ou en colère contre ma femme ou mes enfants, je sais qu'il faut que j'arrête. Et quand je constate la même chose avec nos enfants, qu'ils sont peut-être un peu plus frustrés, plus en colère, ou qu'ils ne font pas les choses que je sais qu'ils aiment (jouer de la musique, lire la Bible, passer du temps ensemble, jouer à des jeux...), j'essaie d'interpréter les signaux. Vanessa est beaucoup plus sensible que moi à ce genre de choses.
Ça n’est pas dans le cœur de Dieu que nous perdions nos enfants dans le processus d'accomplir des choses pour son Royaume.
Comment réagissez-vous lorsque les signaux semblent indiquer que vous êtes allés trop loin ?
Parfois, nous devons nous arrêter et faire une pause, et par exemple dire aux personnes que nous étions censés rencontrer "désolé, nous avons surbooké notre emploi du temps, nous devons donc passer du temps avec nos enfants". Je n'ai jamais connu de situation où les gens ne comprenaient pas. C'est comme lorsque vous courez : si vous ressentez une douleur au genou, vous ne voulez pas continuer à courir parce que cela pourrait causer beaucoup plus de dégâts que votre seul genou. Il faut donc couper, faire une pause, examiner le genou, éventuellement faire quelques étirements, mettre de la glace avant de reprendre la route, car si vous continuez à courir, au bout d'un moment, vous risquez d’y laisser votre jambe et vous ne pourrez plus du tout courir.
Nous voulons donc garder nos yeux et notre concentration sur le long terme et, peut-être, avoir une vigilance permanente sur notre état. Parce que, comme je l'ai dit, notre famille est importante et nous ne voulons pas la perdre en faisant des choses pour Dieu. Je dirai ceci à tous les pasteurs : il arrive que de mauvaises choses se produisent, mais je n'aurai jamais peur ou honte de dire que ça n’est pas dans le cœur de Dieu que nous perdions nos enfants dans le processus d'accomplir des choses pour son Royaume.
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