Mentor, coach, formateur : cadre et limites à poser
Au-delà des différences de postures (voir article précédent), l’accompagnement est essentiel pour un leadership en santé, à condition d'en définir le périmètre et la méthodologie de façon claire.
Nous n’avons pas besoin du même type d’accompagnement selon les saisons de vie, ni même la même sensibilité au type d’accompagnement. Mais quel qu’il soit, il y a des fondamentaux à respecter, autant de la part de la personne qui a la fonction de “maître” que de la personne qui est dans une posture d’apprentissage :
un esprit d’humilité
être enseignable
une relation de redevabilité
un esprit de serviteur
avoir en commun le Royaume de Dieu
vouloir ressembler à Jésus
Établir des limites claires et saines est essentiel dans toute relation ministérielle, professionnelle ou de développement personnel, y compris avec un coach, un mentor ou un formateur. Voici comment vous pourriez approcher la définition de ces limites pour chaque rôle, ainsi que les conflits d'intérêts potentiels à surveiller.
COACH
Relations et limites
Confidentialité : Assurez-vous que tout ce qui est discuté lors des séances de coaching reste confidentiel, sauf accord contraire.
Objectifs clairs : Définissez des objectifs spécifiques et mesurables que vous souhaitez atteindre avec votre coach, et assurez-vous que les séances restent centrées sur ces objectifs. Dans le cadre du ministère, vous pouvez demander un bilan (pour avoir une connaissance générale de votre fonctionnement) puis ensuite, cibler une problématique précise (par ex : Ma difficulté à gérer mon équipe ou Rendre ma communication plus claire).
Indépendance : Le coach doit encourager votre autonomie et ne pas créer de relation de dépendance. Il est important que le coaché puisse progresser par lui-même à terme. Le coach et le coaché ne devraient pas avoir une relation trop proche. Par exemple, quand le coach envisagé a vu le coaché grandir car c’est le fils d’un ami.
Conflits d'intérêts
Dans l’idéal, il est préférable que le coach et le coaché ne soient pas membres de la même église locale ou impliqués dans un ministère où l’un dépend de l’autre.
MENTOR
Relations et limites
Personnel vs professionnel : Dans un milieu “classique”, il est important de définir si la relation sera strictement professionnelle ou si elle peut inclure des éléments personnels. Cela dépend souvent de la nature du mentorat et des préférences des deux parties. Mais dans le cadre du ministère, il est pertinent d’inclure les deux, car le “professionnel” dépend de ce que la personne vit dans le “personnel”. La vie de famille étant également importante, il est normal d’aborder toutes les dimensions qui touchent le ministère. C’est difficile de cloisonner, c’est même impossible... D’ailleurs, beaucoup choisissent leur mentor non seulement en fonction de son ministère public mais aussi de l’équilibre qu’il incarne dans la vie privée.
Fréquence des rencontres : Discutez de la fréquence à laquelle vous vous rencontrerez et tenez-vous à ce calendrier pour respecter les engagements de chacun. Soyez clairs au niveau des attentes et des responsabilités de l’un vis-à-vis de l’autre. Une relation de transparence et de redevabilité est essentielle, de la part de tous.
Durée de la relation : Le mentorat peut parfois devenir une relation à long terme. Il est sage de discuter dès le début des attentes concernant la durée du suivi. Soyez transparent si vous souhaitez arrêter ce mentorat (que vous soyez le mentor ou le mentoré), et si possible, exposez vos raisons, afin de ne pas laisser votre interlocuteur dans l’incompréhension. Parfois, il s’agira peut-être de raisons pragmatiques (manque de temps, changement de poste qui bouleverse un planning) et la personne en face peut penser que c’est à cause d’elle. Vivre une coupure sans explication dans une relation peut laisser une sorte de blessure.
Conflits d'intérêts
Un mentor ne devrait pas utiliser la relation pour servir ses propres intérêts. De plus, s'il y a des décisions professionnelles et ministérielles à prendre (comme des promotions, des évaluations, des mutations), le mentor ne devrait pas être impliqué directement s'il y a un conflit d'intérêts. Par exemple, si le mentor est un pasteur d’une église qui doit agrandir son équipe et le mentorée est parmi les pressentis pour rejoindre l’équipe.
FORMATEUR
Relations et limites
Dans un cadre professionnel classique : La relation doit rester dans le cadre de la formation, avec un respect mutuel de l'espace personnel et professionnel. Dans le cadre d’une église et d’un pasteur formant un jeune pasteur, le cadre est très difficile à définir… mais il doit être défini. Dans ce contexte, il ne s’agit pas uniquement de former un professionnel. On ne forme pas qu’un pasteur. On forme un leader, un berger, un disciple. S’il le faut, faire des bilans réguliers pour redéfinir le cadre peut être pertinent, pour le bien de tous.
Feedback : Encouragez un feedback ouvert des deux côtés, mais maintenez-le toujours respectueux et constructif. Faire régulièrement un bilan du temps de formation. Du côté du pasteur formateur, il est fort possible de devoir ajuster ses méthodes selon la personne formée. En effet, nous apprenons tous différemment.
Limites : il faudra y veiller au niveau de la relation d’autorité. Oui, un formateur ou un enseignant est en autorité et il faut le respecter. C’est bien l’abus d’autorité et le contrôle qui est dangereux. Que chacun reste humble dans son statut. Attention également aux risques de clonage… Parfois, on peut entendre un jeune pasteur prêcher et deviner tout de suite où il a été formé. La formation n’est pas du clonage. La multiplication des leaders ne consiste pas en du copié-collé.
Conflits d'intérêts
Le pasteur formateur doit garder en tête que son objectif est de former un autre pasteur. Ce n’est pas d’avoir une main d'œuvre en plus pour réaliser ses propres ambitions, porter plus d'événements. Le jeune pasteur doit être formé… son but n’est pas d’être assistant du pasteur (oui on apprend beaucoup quand on est assistant, mais vous voyez très bien…).
Établir des limites saines
Pour toutes ces relations, la communication ouverte est la clé. Il est crucial de se sentir libre de parler de tout malaise dans la relation et d'ajuster les accords si nécessaire pour que la relation reste bénéfique à toutes les parties. Une bonne pratique consiste à avoir ces discussions et accords formalisés par écrit, pour que les deux parties aient des références claires. Lorsque l’accompagnement et la relation semblent déraper et glisser vers une situation dommageable pour l’élève, il faut réagir.
Voici quelques dangers souvent évoqués par de jeunes pasteurs en formation :
Abus de pouvoir : Les mentors ou formateurs, souvent en position d'autorité, peuvent parfois abuser de ce pouvoir en imposant leurs propres vues ou en exerçant une pression excessive sur les jeunes pasteurs. Cela peut inclure la manipulation émotionnelle ou même, dans de rares cas, des abus plus graves.
Isolement : Certains jeunes pasteurs peuvent se sentir isolés de leurs pairs ou de leur communauté en raison de la nature intense et souvent exclusivement focalisée sur le mentorat ou sur la formation en interne. Cela peut limiter leur exposition à une gamme plus large de perspectives théologiques ou de pratiques ministérielles. Faire confiance à sa famille d’église est une chose (et une bonne chose), mais rester ignorant est dangereux. Considérer également que notre manière de faire est la meilleure est également dangereux (et prétentieux, qu’on se le dise honnêtement…)
Pression de conformité : Il peut y avoir une pression considérable pour se conformer aux attentes spécifiques du mentor, au formateur ou de l'institution de formation, ce qui peut étouffer le développement personnel et la libre expression des croyances personnelles du jeune pasteur, mais aussi de son identité propre. Il y a un équilibre à trouver entre l’héritage reçu dans une communauté et la pression d’identification à cette communauté.
Dépendance relationnelle : La relation mentor-mentoré peut parfois devenir trop fusionnelle, où le jeune pasteur peut avoir du mal à développer son propre style de leadership ou à prendre des décisions indépendantes, en s'appuyant excessivement sur son mentor pour la guidance. Un bon mentor amène le mentoré à grandir et à être indépendant.
Questions éthiques et morales : Les jeunes pasteurs peuvent parfois être confrontés à des dilemmes éthiques ou moraux dans leurs interactions avec des mentors, notamment si ces derniers ne respectent pas les normes éthiques attendues dans le ministère.
La peur de ne pas être reconnu : La relation avec un pasteur formateur ou un mentor peut aussi être biaisée à cause de la crainte de ne pas être reconnu (reconnaissance relationnelle, mais aussi ordination officielle). Le jeune pasteur peut craindre d’avoir fait tout ce parcours et ne pas être ordonné à cause d’un désaccord sur un point important.
Prévention et gestion des risques
Pour prévenir et gérer ces risques, les institutions de formation théologique et les églises peuvent mettre en place plusieurs mesures :
Formation en éthique : Offrir une formation continue sur les questions éthiques et le leadership-serviteur pour tous les mentors et formateurs.
Supervision et responsabilité : Mettre en place des systèmes de supervision où les mentors et formateurs sont régulièrement évalués et responsabilisés sur les conséquences de leurs actions.
Réseaux de soutien : Encourager les jeunes pasteurs à développer des réseaux de soutien avec leurs pairs, offrant ainsi une diversité de perspectives et un espace pour discuter des défis rencontrés.
Avoir des amis : Dans la même lignée que le réseau de soutien, avoir des amis de confiance (au sein de l’église locale MAIS aussi en dehors de l’église locale) peut aider les pasteurs à avoir des conversations qu’ils ne peuvent pas avoir avec n’importe qui.
Lignes directrices claires : Établir des politiques claires sur les relations et les comportements appropriés au sein des programmes de mentorat et de formation.
Ouverture aux feedbacks : Créer un environnement où les feedbacks des jeunes pasteurs sont valorisés et pris en compte pour améliorer les programmes de formation et de mentorat.
En conclusion : oui, nous encourageons la culture du mentorat, de la formation et du coaching ! Nous vous encourageons aussi à prier pour un discernement et une clairvoyance pour choisir qui vous accompagnera durant votre formation (et même après votre formation). Une des clés pour toutes les parties : l’humilité et un désir fort de faire avancer le royaume de Dieu et non ses propres ambitions.
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