Le poids d’une culture dans l’église locale
Je vais vous raconter une histoire. Celle de ma famille. Plus précisément de mes parents car cela s’est passé lorsque ma mère était enceinte de moi.
Mon père, alors tout jeune dans le ministère, a été appelé en renfort pour être pasteur dans une église communautaire en dehors de la dénomination à laquelle il était affilié. Cela se passait très bien. L’église grandissait. Au bout de plusieurs mois, le conseil d’église lui a demandé de ne prêcher qu’à une seule catégorie de personnes : leur communauté ethnique. Mon père, alors très surpris de cette demande, leur a répondu qu’il continuerait de prêcher l’évangile à tout le monde, peu importe la couleur de peau et la catégorie sociale des personnes - et qu’il ne pouvait pas trier les gens à l’entrée de l’église. Le dimanche suivant, après son sermon, un membre du conseil d’église s’est levé et a annoncé à l’assemblée que c’était le dernier dimanche du pasteur. En gros, mon père a été viré publiquement et sans préavis. Juste après le culte, mes parents se sont retrouvés à la rue : plus de salaire, plus de maison ni de voiture (propriétés de l’église). Mon père est alors sorti de l’église, avec ma mère enceinte et mon grand frère qui avait 2 ans.
Mais l’histoire s’est bien terminée : 70 % des personnes de l’église se sont levées pour suivre mes parents et dans les semaines qui ont suivi, une nouvelle église a été implantée avec le soutien actif de ces Chrétiens : prêt d’une salle de restaurant et de chaises, hébergement d’urgence de ma famille, prêt d’une voiture, etc.
Je vous raconte cette histoire qui est un exemple un peu extrême, pour mettre à la lumière un phénomène qui peut devenir dangereux : lorsqu’une culture humaine est plus forte que la culture du Royaume.
Récemment, nous avons eu des échanges avec des jeunes qui ont changé d’église locale. Dans les deux cas, ils quittaient une église “communautaire”.
Pour l’un, le départ s’est fait dans la bénédiction. Il a précisé : “J’ai grandi dans cette église, toute ma famille est là, c’est très familial, je l’aime beaucoup. Mais j’avais besoin de quitter cet environnement pour me concentrer plus sur Jésus et sur ma relation avec lui”.
Dans l’autre cas, hélas, le départ s’est fait dans la douleur et l’incompréhension. Voici quelques paroles énoncées pour nous expliquer leur départ : “On vit dans une culture tellement forte que l’existence même d’une opinion divergente peut faire de toi un paria… Être leur enfant ne signifie pas être leur clone… Ma prière en tant que fils est qu’un jour, la génération de mes parents nous accepte dans notre différence, avec ce que Dieu nous a donné pour notre temps.”.
Cet article n’a pas pour but de condamner les églises communautaires. Au contraire, nous avons la conviction qu’elles ont leur place et qu’elles apportent une réponse en termes de liens fraternels. Mais ces exemples concrets nous invitent à pousser la réflexion plus loin, quand une culture humaine est tellement forte dans l’église locale qu’elle semble prendre la place de la culture du Royaume.
Il y a de nombreux niveaux de culture :
la culture d’une dénomination : quand son fonctionnement et sa liturgie imprègnent la vie, voire la théologie, des membres de l’église,
la culture d’un pays : quand le système hiérarchique de l’église se calque au système hiérarchique du pays,
la culture d’une famille : lorsqu’une ou deux familles concentrent toutes les responsabilités dans l’église : le père est pasteur principal, le fils est pasteur des jeunes, la belle-fille est responsable des ados, la fille est responsable de la louange, etc.
la culture des patriarches fondateurs de l’église,
la culture d’un “mouvement”,
la culture d’un lieu de formation ou d’un leader très charismatique qui a influencé les suivants.
Les risques d’une culture humaine trop envahissante sont nombreux :
S’éloigner du cœur et du plan de Dieu. La mentalité et le fonctionnement partagés par tous dictent alors les comportements, à la place de la Bible et du Saint-Esprit.
Vivre une perte d’identité des leaders (et les conséquences sur l’ensemble de la congrégation). On perpétue les choses car c’est ainsi qu’on a toujours fait, au lieu d’entrer pleinement dans son identité ministérielle propre.
Se priver des bénéfices des remises en question : les pratiques ne sont pas questionnées et quand elles le sont, cela passe pour des menaces ou de l’insoumission.
Confondre sa théologie et sa tradition : est-ce qu’on fait les choses car elles sont bibliques ? Ou parce qu’on les a toujours faites ainsi ?
Nourrir le besoin de contrôle : construire un cadre et des repères, ça rassure et ça apporte de la stabilité. Mais ça fige aussi les choses, et tout changement, toute idée novatrice peuvent être perçus comme une menace mettant l’équilibre en péril.
Confondre l’autorité culturelle avec l’autorité dite “spirituelle”.
Malheureusement, les exemples sont nombreux, mais il ne serait pas très édifiant d’en faire la liste. Le plus important, c’est d’être conscient des formes que peut prendre la culture humaine dans l’église locale car c’est inévitable : nous sommes tous humains. C’est pourquoi il nous faut rester humbles et toujours conscients des risques que peut représenter cette dynamique humaine. Dieu nous enrichit mutuellement des différentes cultures (ethniques, culturelles, personnalité des leaders) et nous devons y puiser de belles choses aussi, mais ne leur laissons pas prendre le dessus sur la culture du Royaume, les écritures et la volonté de Dieu.
Être conscient de cela nous permet également de développer notre discernement lorsque nous devons choisir une église locale ou quand nous devons choisir à qui rattacher notre ministère, où nous souhaitons être formés et enseignés. Lorsque l’identité et la communication d’une église ou d’un mouvement est très forte, cela attire. Ce n’est pas mauvais en soi. Ce qui peut être dangereux, c’est
d’être attiré uniquement par l’image renvoyée, la forme plus que le fond,
de se sentir perdu(e) dès qu’on s’éloigne de ce cadre,
de se considérer détenteur de LA vérité et mépriser les autres,
d’idéaliser les leaders, se comparer et se sentir indigne de servir.
Trouver sa place dans une église locale ou une école biblique ne signifie pas se faire cloner. Dieu appelle les gens différemment et de façon unique. Priez pour du discernement sur la façon dont Dieu vous appelle. Et essayez de ne pas lui répondre de façon culturelle.
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