Abus spirituel : “Je croyais être le problème”
Pendant des années, Marc a été victime d’abus spirituel dans son église, alors qu’il se préparait à entrer dans le ministère. Il nous partage son expérience.
Mais avant d’aller plus loin, sachez que Marc est un prénom d’emprunt. Pourquoi cet anonymat ? Parce que nous voulons rester dans une posture constructive et sans jugement pour aborder ce vrai sujet qu’est l’abus spirituel. Les noms, les lieux et les étiquettes importent moins que les leçons à en tirer pour chacun.
Marc, avec du recul, quel regard portez-vous sur l’abus spirituel dont vous avez été victime pendant des années ?
Je voulais seulement servir Dieu et j'ai dû faire face à des comportements qui n'étaient pas inspirés par Lui. Je crois que chez certains leaders et pasteurs dysfonctionnels, c'est comme ça qu'ils ont été formés. Même si cela n’enlève pas leur responsabilité, cela permet de prendre un peu de recul sur leur leadership.
Dans ce tourbillon, étiez-vous conscient de ce qui se passait ?
Au début, je croyais être le problème. J'ai donc entrepris un profond travail sur moi-même, remettant constamment mes actions en question. Bien que cette introspection ait eu des aspects bénéfiques, elle devenait destructrice lorsqu'elle touchait à mon essence même et m'accusait de choses infondées. Plusieurs choix s'offrent à nous dans de telles situations. Malgré mon rôle de victime dans ces événements, je demeurais responsable de l'état de mon cœur devant Dieu. Il est facile de se perdre en croyant qu'il faut être un sacrifice mort, alors que Dieu nous appelle à être des sacrifices vivants devant Sa face.
Est-ce que c'était une pratique profondément ancrée dans la culture d'église où vous étiez ?
J'ai officié dans plusieurs églises en tant que pasteur et chaque culture d'église peut présenter une forme d'abus spirituel. Il faut comprendre que ce qui se passe dans une église est influencé à la fois par la culture du Royaume de Dieu et par la culture des pasteurs, de la ville ou du pays. On peut parler de « doctrine contextuelle » dans l’église. Or, nous devons être comme les Béréens : "Ils accueillirent la parole avec beaucoup d'empressement, et ils examinaient chaque jour les Écritures pour voir si ce qu'on leur disait était exact. Beaucoup d'entre eux crurent..." (Actes 17.11-12). Les Béréens manifestaient un empressement évident à entendre la Parole de Dieu de la bouche de l'apôtre Paul, mais ils avaient l'intelligence spirituelle de vérifier dans les Écritures l'exactitude des enseignements avant de les accepter.
Quand avez-vous commencé à voir des "red flags" ? Et aujourd'hui, quels sont les signaux qui peuvent alerter les gens sur le risque de vivre la même chose ?
Les signes d'alerte peuvent sembler évidents au bon sens, mais il est important de comprendre que beaucoup de personnes sont séduites par des pasteurs ou des leaders dysfonctionnels et en deviennent aveuglées. Il faut se poser la question : Que dit la Parole de Dieu à ce sujet ? Que dit-elle sur telle ou telle déclaration ? Dieu nous accorde le libre arbitre. Si un leader exerce un contrôle, de la manipulation, et s'impose comme la voix de Dieu dans votre vie en vous disant quoi faire ou même quoi penser, ce sont des signes d'alerte majeurs.
Comment avez-vous vécu votre processus de guérison ? Et comment votre famille a-t-elle vécu cela ?
Cela s'est déroulé en plusieurs étapes. La première chose à faire est d'avoir le courage de penser différemment des autres. Il est crucial de bien gérer son cœur à cette étape, car toutes les personnes aveuglées autour du pasteur ou du leader seront contre vous. Vous serez perçu(e) comme un rebelle, un indépendant séduit par l'ennemi pour créer des troubles dans l'église. Il est important de rappeler que nous sommes responsables de notre cœur et qu'il faut rester respectueux et vigilant sur nos paroles. Si vous n'avez pas les connaissances bibliques pour défendre votre point de vue, retirez-vous simplement de cette église, si vous sentez que Dieu vous y conduit.
Souvent, ceux qui ont été blessés par l'abus spirituel craignent de perdre les bénédictions de Dieu en quittant une telle atmosphère qui est malsaine et se demandent où aller. Il faut procéder par étape. Ma famille a toujours été à mes côtés et ils savaient que je voulais les protéger. J'avais les bonnes priorités, donc malgré ces abus spirituels, j'ai su voir clair à un moment donné. L’ordre de priorité biblique, c’est Dieu, puis notre famille, et enfin l'église (Celui qui ne prend pas soin de sa famille est pire qu’un infidèle - 1 Timothée 5.8). À quoi cela nous sert-il de servir Dieu dans l’église si nous sommes pires qu’un infidèle ?
D’abord, j’ai pris du recul sur les enseignements et les pratiques douteuses que je n'ai jamais cautionnées, puis j’ai accepté que le pouvoir qu'ils exerçaient dans l'église se limitait à leur bâtiment et à leurs malheureux aveuglés. Et là, mes yeux se sont ouverts. J'ai commencé à préparer mon départ en organisant bien mes tâches pastorales pour qu'une autre personne puisse les reprendre et en donnant une date de départ, expliquant que Dieu me demandait de partir. Cela n'a pas été accepté par l'église, qui m'a expliqué à quel point je me trompais et que je quittais l'école de la formation de Dieu. Je reconnais que l'influence du pasteur dans l'église et sur beaucoup de personnes pesait lourd dans ses paroles, mais j'ai tenu bon. Devant Dieu, j'avais pris cette décision avec conviction et droiture de cœur.
Comment avez-vous gardé la foi et cultivé l'espoir de rentrer dans le ministère, alors que vous vous détachiez d’une famille d'églises ?
Je pense que j'ai gardé la foi parce que j'ai rapidement su faire la distinction entre Dieu et les serviteurs de Dieu. Prenons l'exemple du prophète Samuel dans la Bible : il a grandi dans une « église » dysfonctionnelle, avec le prêtre Éli, rejeté par Dieu, et ses fils Hophni et Phinées, abominables aux yeux de l'Éternel à cause de leurs grands péchés. Samuel a grandi dans ce temple avec pour seul modèle ces figures imparfaites, et pourtant Dieu a fait de lui un grand prophète. Le prêtre Éli a tenté de manipuler Samuel par la peur lorsque Dieu lui a parlé pour la première fois, mais notre Dieu n’a-t-il pas élevé Samuel car il a su garder son cœur pur ? Ces fins d’histoire doivent créer en nous la foi en la justice de Dieu si nous veillons sur notre cœur.
Nous pourrions également parler de David, qui, lorsqu'il a commencé à entrer dans son appel, avait pour leader le roi Saül, qui cherchait à le tuer parce qu'il savait que la faveur divine était sur David et non plus sur lui. On pourrait développer un message entier sur le service de Dieu sous un leadership dysfonctionnel en s'inspirant de ces deux personnages bibliques. Les histoires d'abus spirituel sur le chemin de nos destinées existent même dans la Bible, et leurs vies sont des exemples pour nous aujourd’hui !
Est-ce nécessaire d'être reconnu et envoyé par "quelqu'un" ? Et si ce n'est pas nécessaire, comment rester humble ?
Je parlais tout à l'heure de "doctrine contextuelle". Pensez-vous que dans les pays où les chrétiens sont persécutés, ils se posent ce type de question ? Pensez-vous qu'ils cherchent à être reconnus par une église souterraine pour servir Dieu ? Ce genre de réflexion peut parfois (mais pas toujours) nous aider à distinguer la culture du Royaume de Dieu de la culture pseudo-chrétienne.
Il y a une véritable sagesse biblique à être reconnu comme ministère-don par d'autres ministères-dons, mais il peut y avoir des exceptions. Qui a reconnu Paul comme apôtre par exemple ? C'est Dieu. Par la suite, les apôtres ont donné la main d'association à Paul, et Paul reconnaissait leur autorité sur l’Eglise. Les chemins que Dieu dresse devant nous peuvent être différents mais les fruits qui s’en dégagent sont toujours bons.
Si votre appel n'est pas un ministère-don selon Éphésiens 4.11 mais se situe dans l'église locale, il est logique d'obtenir la reconnaissance de la personne à qui Dieu a confié cette église locale. Si votre appel est en dehors de l'église locale, je ne vois pas pourquoi vous auriez besoin d'être reconnu et envoyé. Le pasteur n'a pas à donner sa bénédiction sur une idée d'affaire ou de carrière professionnelle. Il peut être consulté, mais il faut être conscient de ses connaissances en entrepreneuriat avant de lui poser la question et comprendre qu'il peut apporter un regard spirituel sur la situation s'il en est capable. Un pasteur n'est ni un chef d'entreprise ni un psychologue. Il y a des professionnels pour cela. Vous n’avez pas besoin non plus d’être reconnu et envoyé pour prier pour les malades par exemple. Jésus déclare « et voici les signes qui accompagneront ceux qui auront cru » et non « ceux qui auront été validés et envoyés par le pasteur ou leader ».
Pour répondre à votre question sur comment rester humble, je vous dirais qu'il faut toujours reconnaître que tout ce que vous êtes et avez ne sont que grâce, et que nous serons jugés de la même manière que nous jugeons les autres (Matthieu 7.2). Si vous avez besoin de grâce, exercez la grâce autour de vous et demandez à Dieu ce qu’Il pense des personnes autour de vous afin de les voir comme Lui les voit.
Quels conseils donneriez-vous à une personne qui a un appel fort mais qui n'est pas reconnue dans son église locale ?
C'est compliqué de répondre à cette question car chaque situation est unique. Je vais donc rester très général dans ma réponse. Quel est le type d'appel et pourquoi n'est-il pas reconnu ? Est-ce un problème de caractère ? Est-ce parce que la personne ne souhaite pas suivre les 1, 2 ou 3 ans de reconnaissance ministérielle ? Est-ce parce que l'église n'a pas l'habitude de reconnaître ce type d'appel ? Doit-on, bibliquement, reconnaître ce type d'appel avant que la personne commence à servir ? Il y a tant de questions à poser pour y répondre…
Je crois qu'il est important, en tant que pasteur ou leader, de reconnaître le type d'onction sur la personne avant toute chose. Je fais volontairement la distinction entre appel et onction. L’onction, c’est une grâce spécifique accordée au sein de l’appel, c’est la puissance de Dieu qui nous accompagne pour accomplir certaines œuvres préparées d’avance. Prenons l’exemple d’Elie et de Jean-Baptiste. Ils avaient tous les deux un appel de prophète. Jésus a même dit de Jean-Baptiste qu’il était le plus grand des prophètes. Pourtant, ce dernier n’avait pas d’onction de guérison ou de miracle (en tout cas, la Bible ne le mentionne pas). Mais il avait la grâce particulière de préparer Israël à la venue du Messie. Si on définit le modèle prophétique à partir de l’exemple d’Elie, ni Daniel, ni Jean-Baptiste n’auraient pas été reconnus. Vous voyez ce que je veux dire ? Si on prend un exemple plus actuel, deux hommes peuvent avoir un appel pour être pasteur. Mais le premier aura peut-être une onction particulière, accordée par Dieu, pour restaurer les couples, par exemple.
C’est la raison pour laquelle je pense que nous devons d'abord considérer l'onction que porte la personne et ensuite dire, par exemple, "Cette personne a une onction dans l'entrepreneuriat, une faveur particulière dans ses connexions avec des personnes influentes de notre ville, et une onction d'évangéliste." Partant de ce constat, on ne va pas lui demander de gérer toutes les réunions d'évangélisation de l'église locale pour être reconnu par l'église en tant qu’évangéliste, mais comprendre que son onction d'évangéliste s'applique dans un univers que l'église locale ne peut pas forcément toucher par elle-même, c'est-à-dire le monde des affaires. Bref, n'essayons pas de résumer les appels par des catégories et ne mettons pas les chrétiens dans des cases, c'est la meilleure méthode pour tuer leur joie et leur destinée.
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